21 Mars 2023

La Société québécoise de la déficience intellectuelle (Société) a participé au huis clos du budget provincial 2023-2024 et est déçue des mesures annoncées par le gouvernement du Québec. L’État a déjà de la difficulté à répondre aux besoins grandissants en matière de services publics. En baissant les impôts, le gouvernement du Québec a complètement manqué son objectif de présenter un budget « engagé ».  

En effet, le constat est brutal pour le milieu des personnes en situation de handicap : aucune mesure substantielle n’a été annoncée alors que les urgences bien réelles que vivent les personnes ayant une déficience intellectuelle et les familles ne sont pas près d’être réglées. Voici les principaux constats de la Société :  

Des baisses d’impôts dans un contexte d’effondrement des services publics 

Le gouvernement du Québec a annoncé une baisse d’impôts de plus de 9 milliards de dollars sur 6 ans. Il est inconcevable de baisser les impôts à un moment où les services semblent de plus en plus rationnés, où les coûts de système et l’inflation explosent et où les familles sont toujours plus poussées vers le secteur privé pour pallier les manques du secteur public. Pour la Société, baisser les impôts est une aberration qui risque de menacer durablement la capacité de l’État à donner des services universels, de qualité et en quantité suffisante. Notons au passage que cette baisse d’impôts bénéficiera en premier lieu aux plus riches et non à la classe moyenne. Cette baisse d’impôt n’apportera rien non plus aux personnes à faible revenu.  

Coût lié aux baisses d’impôts : 9,165G$ d’ici à 2027-2028.  

Santé et Services sociaux 

En matière de déficience intellectuelle, les budgets ont augmenté de 4.12%, s’établissant à 1 337 943 000$. Cette augmentation représente une croissance inférieure à l’inflation. En somme, il ne semble pas probable qu’une amélioration des services ait lieu dans la prochaine année. 

En rafale : 

  • 50M$ pour créer des places de répit pour les parents d’enfants handicapés dans les 5 prochaines années. Ces places serviront à appuyer les parents d’enfants handicapés, que ces derniers soient mineurs ou majeurs. C’est une bonne nouvelle.   
  • Le budget de l’Office des personnes handicapées du Québec est quant à lui en hausse. Il sera de 22 829 200$ en 2023-2024, en hausse de plus de 3M$.  
  • 25M$ pour la mise en œuvre « de nouveaux projets » pour désengorger les centres de réadaptation « pour les jeunes en difficulté », dont ceux ayant une déficience physique ou une déficience intellectuelle. Il n’est pas clair comment ces budgets seront utilisés. 

Proche aidance 

Point positif, ce sont 75,5M$ additionnels sur cinq ans qui serviront à renforcer la lutte contre la maltraitance et à promouvoir la bientraitance des aînés, alors que 21,2M$ sur trois ans serviront à bonifier le soutien aux personnes proches aidantes.  

Il reste encore à voir quels seront les impacts réels, mais l’engagement du gouvernement envers la lutte à la maltraitance et le soutien aux personnes proches aidantes est appréciable.  

Éducation 

En éducation, le portrait n’est pas plus positif. Alors que les quatre dernières années ont été marquées par un financement massif des classes spécialisées, aucune mesure significative visant l’inclusion des élèves en situation de handicap dans les classes ordinaires n’a été annoncée. Seuls 66,3M$ sont annoncés pour le soutien aux élèves à besoins particuliers.  

Alors que le nombre d’élèves en situation de handicap ou ayant des besoins particuliers explose, il est peu probable que ce montant suffise à répondre aux besoins. Notons également qu’une « maternelle 4 ans pour les enfants handicapés » sera créée. Il s’agit d’une autre occasion manquée de promouvoir l’inclusion dans les milieux ordinaires.  

Cependant, bonne nouvelle, 3.5M$ investis sur cinq ans sont à prévoir pour la surveillance des élèves handicapés en dehors des heures de classe pendant l’année scolaire et durant la période estivale. C’était une demande des organismes de personnes en situation de handicap et il est bon que le gouvernement ait décidé d’agir dans ce dossier. 

Transport adapté 

Rien de substantiel n’a été annoncé pour bonifier le réseau des services de transport adapté en général. Pourtant, la crise est bel et bien là, dans toutes les régions de la province. Il est impératif que le gouvernement du Québec réagisse dans le courant de l’année afin de limiter l’hémorragie et de permettre aux personnes de se déplacer selon leur convenance.  

  • Seuls 18M$ sont annoncés sur cinq ans afin de « diversifier l’offre de transport pour les personnes à mobilité réduite ». Cette mesure vise à « bonifier l’aide financière pour l’acquisition d’un véhicule collectif adapté ou l’adaptation d’un véhicule collectif ».  
  • L’aide à l’adaptation de véhicules pour les personnes en situation de handicap reste, elle, stable à 12,25M$ par année. Ce montant n’a pas été indexé depuis 2020-2021, et il est moins élevé qu’en 2019-2020. 

Lutte à la pauvreté 

La question de la lutte à la pauvreté a été une priorité pour la Société dans les dernières années, notamment par le biais de la collaboration avec le gouvernement du Québec pour la mise en œuvre du Programme de revenu de base. Ce budget ne contient que peu d’annonces, malgré les demandes du milieu des personnes en situation de handicap et des organismes en lutte à la pauvreté.  

  • 15,4M$ pour 2023-2024 seront attribués à la prolongation de certaines mesures de l’actuel Plan d’action gouvernemental pour l’inclusion économique et la participation sociale (PAGIEPS), qui arrivait à échéance en 2023. Si des travaux entourant le renouvellement du PAGIEPS ont été annoncés, aucune somme n’a été prévue dans le budget afin de réaliser des consultations. Il faudra surveiller de près cet enjeu l’an prochain.  
  • La seule autre mesure de lutte à la pauvreté concerne la maigre augmentation de la composante logement du crédit d’impôt pour la solidarité. Cette mesure devrait faire bénéficier de quelques dizaines de dollars par année les personnes recevant le crédit d’impôt. 
  • Aucune mesure additionnelle sur le Programme de revenu de base n’a été annoncée. 

Il est à noter que le gouvernement du Québec doit lancer les travaux de renouvellement du Plan gouvernemental pour l’inclusion économique et la participation sociale dans les prochaines semaines. Une réforme de la Loi sur l’aide aux personnes et aux familles a également été annoncée. Il est donc probable que des annonces auront lieu dans le budget 2024-2025. 

Budget pour les programmes d’aide financière de dernier recours : 3 043 053 400$ (en hausse de 200M$) 

Employabilité des personnes en situation de handicap 

L’employabilité des personnes en situation de handicap est en piètre état au Québec. Avec des niveaux d’emploi nettement plus faibles que le reste de la population, les personnes en situation de handicap vivent encore beaucoup de discrimination et les programmes visant leur participation économique sont insuffisants. Ce budget n’améliore pas les choses. 

  • Seuls 3,1M$ sur 3 ans ont été annoncés pour « l’intégration en emploi et la participation à des mesures d’employabilité des personnes handicapées et des prestataires d’assistance sociale ». De ce montant, 2,1M$ iront pour prolonger certaines mesures de la Stratégie nationale pour l’intégration et le maintien en emploi des personnes handicapées 2019-2024. 

Il est décevant de voir que le gouvernement du Québec investit massivement en immigration afin de répondre à la pénurie de main-d’œuvre sans pour autant prendre en compte le potentiel des personnes en situation de handicap au Québec. Rendre plus flexibles les programmes d’aide financière de dernier recours en permettant aux prestataires de travailler à temps partiel pourrait grandement aider à régler la pénurie de main-d’œuvre. Rappelons que plus de 300 000 Québécois et Québécoises sont prestataires de ces programmes et n’ont pas le droit de travailler, même à temps partiel. 

Logement 

La situation du logement et des ressources d’habitation est critique en déficience intellectuelle. Les suites de la pandémie se font sentir durement et la tendance est à la résurgence de milieux de vie qui sont des petites institutions. Quant à eux, les milieux de vie alternatifs n’ont accès qu’à peu de soutien et de subventions. Aucune mesure budgétaire ne vise à répondre à ces besoins. 

Seuls 200 millions pour les maisons des aînés et les maisons alternatives sont annoncés. De ce montant, il n’est pas clair combien sera attribué aux maisons alternatives pour les personnes en situation de handicap. 

Action communautaire 

Les demandes des organisations représentant les organismes communautaires étaient nombreuses et il ne semble pas que le gouvernement y ait répondu. 

  • 40,8M$ serviront à prolonger de trois ans le financement à la mission de 69 corporations de développement communautaire et de 344 organismes communautaires de promotion des droits recevant du financement du ministère de l’Emploi et de la Solidarité sociale.  
  • Le Fonds d’aide à l’action communautaire autonome du ministère de l’Emploi et de la Solidarité sociale aura des dépenses de près de 51,1M$ pour 2023-2024. 
  • Une augmentation de 194M$ d’ici à 2027-2028 sera attribuée aux budgets du Programme de soutien aux organismes communautaires du réseau de la santé et des services sociaux. 

Budget 2024-2025 

2023 et 2024 marquent la fin de deux stratégies gouvernementales cruciales pour les personnes en situation de handicap : la stratégie pour l’intégration et le maintien en emploi des personnes handicapées et le Plan gouvernemental pour l’inclusion économique et la participation sociale.  

Ces plans devront être renouvelés au courant de 2023 et 2024. Il sera vital que ces nouveaux plans soient accompagnés d’investissements substantiels.  

Pareillement, la crise du transport adapté mérite des investissements immédiats afin de juguler l’hémorragie qui a lieu partout au Québec. Il est important d’agir rapidement afin de ne pas faire empirer la crise. 

La Société s’attend – et espère – de meilleures nouvelles l’an prochain.