18 Juin 2021

Pouvez-vous nous présenter les premiers mois de vie de Mélodie qui ont été un tournant dans sa vie et la vôtre ?

Mélodie a 19 ans et vit avec une déficience intellectuelle, un TSA et le syndrome de legius qui apporte différents problèmes au niveau de la compréhension et des acquis. Mélodie est la sœur jumelle de Rémi et à leur naissance, nous étions d’heureux et nouveaux parents à la maison. Mais, à 15 jours, Mélodie est partie en convulsion. Je l’ai amené à l’hôpital tout proche mais son cœur et ses poumons ont arrêté de fonctionner. Les mesures de réanimation ont commencé, elle a ensuite été transférée pour subir trois opérations au cerveau. À la sortir de l’hôpital, elle avait 8 semaines, son cerveau était brisé. On m’a dit alors que ce serait une enfant sévèrement handicapée, qui ne marcherait et ne parlerait pas, et serait comme un légume dans un lit. Aujourd’hui, elle marche et parle aussi suffisamment pour que les gens comprennent un peu ce qu’elle veut.

 

Comment avez-vous traversé ces épreuves ?

Cette terrible nouvelle, je pensais l’avoir très bien encaissée. En croyant être l’homme de la situation, en prenant les décisions, en me donnant la charge de m’occuper de tout ce que je pouvais. J’ai joué à l’homme fort et laissé mes émotions de côté, pour finalement tomber de très haut. Mentalement, au bout de quelques années ça n’allait plus du tout. J’ai vécu un syndrome post-traumatique à la suite de la période d’hospitalisation. Aujourd’hui ça va beaucoup mieux.

 

Qu’est-ce que Mélodie a changé dans votre façon d’être père ?

Beaucoup de choses. Avec elle, j’ai appris la patience et l’empathie, qualités que j’avais mais que je n’utilisais pas de la bonne façon. Mélodie avec sa déficience intellectuelle ne comprend pas toujours bien les situations et son TSA nous force à beaucoup répéter les choses pour sa compréhension. Il faut donc trouver différents moyens pour entrer en contact avec elle. Être capable de se mettre à la place de l’autre, voilà ce qu’elle m’a appris. Les actions que je faisais pouvaient avoir une influence sur elle. Sur un plan professionnel, ça a aussi fait évoluer beaucoup de choses. Ma file m’a poussée à trouver ma voie et m’a permis de me rapprocher des gens et d’exprimer un côté de moi qui est de vouloir donner de l’entraide, du soutien.

 

Quel message souhaitez-vous adresser au père d’un enfant ayant une déficience intellectuelle ?

Il y aurait deux axes. J’ai connu des problèmes de santé mentale et ça n’aurait pas été si grave si j’avais baissé la garde un peu plus tôt, si j’avais arrêté de penser que j’étais solide. Aujourd’hui, je suis beaucoup plus enclin à parler de mes difficultés que de jouer les fiers à bras. Les hommes sont bons pour jouer la personne forte, mais il faut se regarder dans la glace de façon lucide et exprimer ses émotions.

Le deuxième point est que, malgré les journées noires, Mélodie m’a apporté 1000 fois plus que ce qu’elle m’a pris. Tous les jours elle me dit qu’elle m’aime, elle me valorise. Si demain on me proposait de recommencer à zéro, je garderais la vie que j’ai. Autant avec les bas, mais surtout avec les hauts, parce que Mélodie est une personne extraordinaire. Elle est très sociale, et malgré ses phobies elle adore rire, ne se cache pas, elle collabore. Elle a d’ailleurs commencé les plateaux de travail où elle démontre une attention soutenue, et les gens l’aiment beaucoup!