Lettre ouverte: Plus d’exclusion ne réglera pas la crise en éducation
21 Decembre 2023
Plus d’exclusion ne réglera pas la crise en éducation
Publiée dans le journal Le Devoir le 21 décembre 2023, cette lettre ouverte est signée conjointement par Amélie Duranleau, directrice générale de la Société québécoise de la déficience intellectuelle, Lili Plourde, directrice générale de la Fédération Québécoise de l’Autisme et Isabelle Tremblay, directrice de l’Alliance québécoise des regroupements régionaux pour l’intégration des personnes handicapées (AQRIPH)
Adressée directement au 1er ministre François Legault dans le cadre des négociations en cours avec le milieu de l’éducation, cette lettre rappelle l’importance de l’inclusion scolaire. Dans les discussions qui ont lieu, il est important d’éviter que les élèves en situation de handicap ou en difficulté d’adaptation ou d’apprentissage (EHDAA) soient davantage ségrégués. Cliquez ici pour lire la lettre sur le site du journal Le Devoir.
Lettre:
Monsieur le Premier ministre,
L’Alliance québécoise des regroupements régionaux pour l’intégration des personnes handicapées (AQRIPH), la Fédération québécoise de l’autisme (FQA), et la Société québécoise de la déficience intellectuelle (SQDI) s’inquiètent du discours public actuel concernant les élèves en situation de handicap ou en difficulté d’adaptation ou d’apprentissage (EHDAA). Dans ce dialogue public, une des solutions proposées aux problématiques du milieu de l’éducation serait d’envoyer plus de ces élèves dans des classes spécialisées. Nos organisations veulent rappeler l’importance de l’inclusion scolaire et éviter que les EHDAA soient davantage ségrégués.
Inclure les EHDAA dans les mêmes classes que tous les autres élèves est une orientation fondamentale de la Politique d’adaptation scolaire. Des lois et des politiques garantissent que les droits des EHDAA soient respectés dont la Charte des droits et libertés de la personne, la Politique de l’adaptation scolaire, la Loi sur l’instruction publique et la Politique À Part entière. Selon cette dernière, il importe que le réseau scolaire offre des services sans discrimination tout en privilégiant une approche individualisée des besoins.
Le mandat de l’école n’est pas juste d’apprendre aux enfants à lire et à compter, elle permet également aux élèves de développer des aptitudes sociales. Exclure les EHDAA des classes régulières a un impact sur plusieurs aspects sociaux de leur apprentissage, puisque le recours aux classes spécialisées entraîne une séparation des élèves. Nos organisations ne sont pas contre les classes spécialisées, elles ont leur utilité. Toutefois, il faut absolument évaluer les besoins et les capacités des enfants pour voir ce qui est le plus bénéfique pour leur apprentissage.
La classe spécialisée n’est pas toujours la meilleure option pour le développement des EHDAA. Avec le soutien nécessaire, un grand nombre de ces élèves pourraient très bien évoluer dans des classes régulières sans nuire aux élèves qui n’ont pas besoin de soutien particulier. De plus, cela leur permet de faire l’apprentissage de la différence, ce qui est bénéfique pour toute la société. La meilleure approche serait donc d’avoir suffisamment de ressources spécialisées dans les écoles pour favoriser l’épanouissement de tous les enfants, peu importe leurs capacités. Il faut engager plus de professionnels et professionnelles adéquatement formés.
La pénurie de main-d’œuvre, la « lourdeur » de la tâche et le manque de personnel de soutien sont souvent pointés du doigt pour justifier le recours aux classes spécialisées. Toutefois, cela ne semble pas être une solution efficace pour garantir le droit à l’instruction de tous les élèves. En effet, les milieux spécialisés peinent à combler les postes, malgré les investissements faits dans les dernières années. Déplacer les EHDAA ne fait que déplacer le problème du manque de personnel et dégrader encore plus la qualité de l’éducation reçue par une partie importante de l’effectif étudiant.
En ségréguant davantage une population déjà discriminée et désavantagée socialement, ce sont les objectifs de la Loi sur l’instruction publique et de la Politique À part entière qui disparaissent, tout comme l’atteinte d’une réelle égalité des chances pour ces élèves. Blâmer les élèves plutôt que demander plus de services dans les écoles ne fait qu’entretenir les préjugés envers les EHDAA. Rappelons que les mesures d’accommodement sont des obligations constitutionnelles pour les gouvernements, et doivent être utilisées pour atteindre l’égalité réelle, pas pour ségréguer des populations en quête d’équité.
Dans le but d’avoir une société inclusive et de favoriser l’épanouissement des EHDAA, on doit considérer des solutions qui sont bénéfiques pour l’ensemble des élèves, y compris les élèves qui n’ont pas de besoins particuliers. Nos organisations espèrent que le gouvernement et le milieu de l’éducation entendront notre message et qu’ils se joindront à nous pour trouver des solutions qui respectent les principes d’inclusion.
Amélie Duranleau, Directrice générale, Société québécoise de la déficience intellectuelle
Lili Plourde, Directrice générale, Fédération de l’autisme du Québec
Isabelle Tremblay, directrice, Alliance québécoise des regroupements régionaux pour l’intégration des personnes handicapées