Journée internationale des droits des femmes (Lettre ouverte)
08 Mars 2024
Lire la lettre ouverte dans le Journal de Montréal
ÇA GRONDE, VENEZ GRONDER ET LUTTER AVEC NOUS !
Le 8 mars, les femmes en situation de handicap grondent!
“Ça gronde en dedans, ça gronde en dehors, ça gronde partout”, tel est le cri de ralliement du 8 mars cette année, la Journée internationale des droits des femmes au Québec.
En ce 8 mars les femmes en situation de handicap (FSH) dans toute leur diversité, trop souvent invisibilisées et rarement entendues ou écoutées, signent et grondent!
Ce grondement résonne particulièrement fort en nous, éternelles oubliées que nous sommes. Même si nous avons été de toutes les luttes, solidaires et toujours présentes, notre grondement a été si souvent enterré, parfois inaudible à cause du dénigrement de la société à l’endroit des personnes en situation de handicap (PSH), notamment les femmes.
Nous ne nous contentons plus de gronder. Maintenant, il faut agir. Agir pour dénoncer les iniquités, les violences, et les crises qui n’épargnent aucune d’entre nous, surtout pas les plus vulnérables.
Premièrement, la crise du logement, aujourd’hui dénoncée, est perpétuelle pour FSH. Alors que 20% de la population québécoise est en situation de handicap, seulement 1% des logements sociaux nous sont réservés. La crise est d’autant plus grave puisque ces logements ne répondent pas souvent aux normes d’accessibilité.
Deuxièmement, la crise climatique nous touche de manière disproportionnée, nous qui sommes deux fois plus susceptibles de vivre dans la pauvreté. Nous qui sommes trop souvent oubliées dans les politiques et programmes d’aide d’urgence, des mesures d’adaptation ou d’atténuation.
Troisièmement, la crise en éducation, nous la vivons au quotidien, alors que près de 28% d’entre nous n’avons pas de diplôme d’études secondaires. Beaucoup d’entre nous ne peuvent poursuivre des études post-secondaires faute de moyens, de soutien et d’accompagnement, mais surtout par manque d’accessibilité et d’adaptation adéquates.
ÇA GRONDE ! chez les femmes en situation de handicap qui sont prises dans des situations de violence familiale et intra-familiale faute de ressources d’aide accessibles et adaptées. En 2024, l’accès à des refuges sécurisés demeure un obstacle insurmontable pour bon nombre de femmes en situation de handicap. L’absence d’accessibilité universelle sur le plan architectural, le manque d’assistance adaptée et le déficit d’informations sur les services disponibles empêchent les femmes de quitter leur foyer violent. Celles d’entre nous qui sont migrantes et racisées rencontrent des obstacles supplémentaires. Il est urgent de penser des trajectoires de sortie de violence pour TOUTES.
ÇA GRONDE ! chez les femmes en situation de handicap pour qui l’accès au système de santé reste encore et toujours limité. Quel que soit leur âge, celles-ci subissent de la discrimination lorsqu’il s’agit de leur santé, de leur bien-être, d’accéder aux ressources de santé sexuelle et droits reproductifs.
ÇA GRONDE ! chez les femmes en situation de handicap pour qui l’accès et le maintien d’un emploi restent un enjeu majeur. En dépit des avancées sociétales, le monde professionnel demeure souvent inaccessible, qu’il s’agisse d’infrastructures physiques ou de stéréotypes persistants. Malgré nos compétences indéniables, nous faisons face trop souvent à des barrières discriminatoires.
Dans ce grondement, reconnaissons que le handicap n’est pas toujours visible, tout comme la colère qui nous anime. Nous appelons à une prise de conscience collective sur l’aspect intersectionnel des crises auxquelles sont confrontées les femmes vivant avec un handicap.
La liste des crises qui nous accablent est longue et pourtant, nous sommes encore et toujours les éternelles oubliées! Au Québec, une (1) personne sur cinq (5) vit avec une ou plusieurs limitations et plus de la moitié représente des femmes dans toute leur diversité. ON GRONDE!
Il est impératif de redoubler d’efforts en matière de financement, d’accélérer les investissements dans la sécurité et l’inclusion sociale. Enfin, nous réaffirmons la nécessité d’assurer un accès équitable au marché du travail. Il est temps de briser les barrières, d’abolir les préjugés capacitistes et de créer des opportunités inclusives. L’émancipation économique des femmes en situation de handicap ne doit pas être une lutte individuelle solitaire, mais plutôt un combat collectif qui renforce la diversité et l’égalité.
En cette journée cruciale dédiée aux droits des femmes, plaidons ensemble pour une équité véritable et inclusive, où aucune femme, quelle que soit sa situation, ne soit laissée pour compte. La colère qui gronde peut être le feu qui change tout, y compris la réalité des femmes en situation de handicap. Ne laissons pas les plafonds de verre devenir des plafonds de plomb.
ÇA GRONDE, VENEZ GRONDER ET LUTTER AVEC NOUS !
Signataires :
- Selma Kouidri, Institut National pour l’Équité, l’Égalité et l’Inclusion des personnes en situation de handicap (INÉÉI-PSH)
- Amélie Duranleau, Société québécoise de la déficience intellectuelle (SQDI)
- Stéphane Braney, Association québécoise pour l’équité et l’inclusion au postsecondaire (AQEIPS)
- Line Beauregard, Réseau International pour le processus de production du handicap (RIPPH)
- Paul Lupien, Confédération des organismes de personnes handicapées (COPHAN)