27 Novembre 2024

Le projet de loi modernisant l’aide sociale et la solidarité sociale a été adopté jeudi 21 novembre 2024. La SQDI a été très active en lien avec ce projet de loi. Voici un résumé du projet de loi, de ce qui va changer et des actions de la SQDI. 

Le projet de loi en bref 

Le projet de loi 71 vise à « moderniser » l’assistance sociale au Québec. Il modifie les Programmes d’aide sociale et de solidarité sociale. Il ne touche pas au Programme de revenu de base.  

Principales modifications apportées à la Loi sur l’aide aux personnes et aux familles

  • Les Programmes d’aide sociale et de solidarité sociale seront fusionnés dans un seul programme : le Programme d’aide financière de dernier recours. Cela ne touche pas le Programme de revenu de base.
    • Si vous êtes prestataire du Programme de solidarité sociale, vous deviendrez automatiquement prestataire du Programme d’aide financière de dernier recours, avec des contraintes sévères de santé et psychosociales. Cela ne change rien pour vous dans l’immédiat. 
  • Les contraintes temporaires et les contraintes sévères à l’emploi seront remplacées par des contraintes médicales et psychosociales. Cela veut dire que plus d’éléments seront évalués dans l’analyse de la situation de la personne. C’est positif pour plusieurs catégories de personnes.
    • Les gens qui ont des contraintes reconnues actuellement vont les garder. 
  • Plus de professionnels de la santé pourront signer les formulaires prouvant la contrainte de santé et psychosociale. La SQDI demandait cela depuis des années. C’est donc positif. 
  • Le ministère de l’Emploi et de la Solidarité sociale veut mieux accompagner les personnes. Les prestataires auront la possibilité d’avoir un plan d’intervention pour les aider à atteindre leurs objectifs et améliorer leur situation. 
  • Des nouveaux programmes d’employabilité seront disponibles, dont le Programme objectif emploi.  
  • Les communications du ministère devraient être plus claires et plus faciles à comprendre.  
  • Il y aura une individualisation partielle des prestations du Programme d’aide financière de dernier recours. Le concept de vie maritale a aussi été revu pour les personnes proches aidantes. 
  • La façon dont les dettes sont définies a été changée et le ministère devra prouver quand il y a de la fraude. Cela devrait limiter les cas de « fraude » liés à des erreurs dans les formulaires. 
  • Certaines populations vont perdre des acquis.
    • Par exemple, les personnes de 58 ans et plus n’auront plus automatiquement de contraintes temporaires à l’emploi. C’est inacceptable et il faudra que le ministère change cette situation dans le futur. 

Dans l’ensemble, la SQDI avait émis un avis positif, avec plusieurs réserves. La SQDI voulait voir des changements au projet de loi, car certaines populations risquaient de perdre des acquis. Certains changements ont été faits, d’autres non. De façon générale, la SQDI considère que le projet de loi n’aura pas d’impact négatif sur les personnes ayant une déficience intellectuelle et leur famille, et dans bien des cas, cet impact pourrait même être positif. 

Pour en savoir plus : 

Lire l’avis de la SQDI

Les changements à venir en 2025 

Si le projet de loi a été adopté, il faudra encore du temps avant qu’il ne soit mis en vigueur. C’est notamment parce que plusieurs projets de règlements doivent être écrits et validés par le gouvernement avant que la Loi puisse s’appliquer. 

La SQDI s’attend à ce que ces règlements soient présentés en 2025. Le gouvernement n’a donné aucune indication sur quand la Loi entrerait en vigueur, il faudra donc voir à quelle vitesse le gouvernement va. 

La SQDI va collaborer avec le gouvernement et le ministère de l’Emploi et de la Solidarité sociale pour s’assurer que les règlements protègent les acquis des personnes ayant une déficience intellectuelle et de leur famille.  

Enfin, la SQDI a déjà offert son aide au gouvernement pour communiquer sur les changements aux Programmes d’aide sociale et au Programme de solidarité sociale auprès des personnes prestataires. 

Les actions de la SQDI en lien avec le PL71 

Depuis la présentation du projet de loi 71, comme d’autres organisations, la SQDI a travaillé avec le gouvernement et avec les partis d’opposition pour rendre le projet de loi meilleur. La SQDI était notamment très inquiète par certaines choses dans le projet de loi qui auraient affecté négativement les personnes ayant une déficience intellectuelle et leur famille. 

En octobre, l’équipe de la SQDI a présenté sa position en commission parlementaire. Nous avons également soumis un mémoire 

Par la suite, la SQDI a suivi toutes les séances de l’étude détaillée du projet de loi. Cela a permis à la SQDI de travailler avec le gouvernement et avec les partis d’opposition pour améliorer le projet de loi. Par exemple, la SQDI a envoyé des questions aux partis d’opposition pour qu’ils les posent à la ministre. La SQDI a aussi suggéré des propositions de changements aux articles du projet de loi, que les députés d’opposition ont réutilisé et gagné. La SQDI a également aidé les partis en leur fournissant des données sur les sujets à l’étude.  

Bref, l’équipe n’a pas chômé! La SQDI tient d’ailleurs à remercier tous les groupes qui ont aidé à améliorer le projet de loi ainsi que le gouvernement et les partis d’opposition pour leur collaboration. 

L’impact des représentations et actions de la SQDI 

La SQDI a eu le privilège de présenter sa position en premier lors de l’étude du projet de loi. Cela a permis d’avoir un impact sur la façon dont les députés ont approché le projet de loi. En plus, la SQDI avait un mémoire très détaillé, ce qui a donné des idées au gouvernement et aux partis d’opposition. 

De façon générale, la SQDI a eu un impact assez important dans la protection des droits des personnes ayant une déficience intellectuelle et de leur famille, puisque plusieurs de nos propositions ont été retenues pour améliorer le projet de loi. La collaboration avec le gouvernement et les partis d’opposition a été très importante pour atteindre cet impact. 

Tableau synthèse

Voici un tableau synthèse des positions de la SQDI et de leur niveau d’intégration dans le projet de loi. 

Mesure dans le projet de loi

Réception par la SQDI 

Recommandation(s) de la SQDI

Est-ce que la recommandation a été inclue dans la Loi?

Transformations dans le paradigme de la Loi : d’ « aide financière » à « assistance sociale » 

Positif, dans la mesure où cela élargit la portée de la Loi et vient fournir un soutien additionnel aux prestataires. 

Recommandation 1 : remplacer « assistance sociale » par « assistance et accompagnement social ».

Discuté, mais non retenu.

Recommandation 2 : remplacer « insertion sociale » par « inclusion sociale » afin d’uniformiser la terminologie utilisée dans le projet de loi et de référer à des concepts plus contemporains liés à la participation sociale et à l’inclusion. 

Inclus dans la Loi

Introduction des « contraintes sévères de santé » pour remplacer les « contraintes sévères à l’emploi » 

Mitigé, plusieurs changements importants sont à faire. 

Recommandation 3 : amender le projet de loi afin d’inclure les aspects psychosociaux dans les « contraintes sévères de santé », afin que les libellés se lisent comme suit : « contraintes sévères de santé ou psychosociales ». 

Inclus dans la Loi

Fusion du Programme d’aide sociale et du Programme de solidarité sociale dans un Programme d’aide financière de dernier recours 

Mitigé, plusieurs changements importants sont à faire. 

Recommandation 4 : fonder la reconnaissance des « contraintes sévères » sur un rapport psychosocial, appuyé par des diagnostics médicaux. Rendre ce rapport facile à remplir pour les prestataires et pour les professionnels de la santé.   

Inclus dans la Loi

Recommandation 5 : ne pas réévaluer la présence d’une « contrainte sévère de santé » annuellement. Fixer le délai de réévaluation selon la situation de la personne. 

Inclus dans la Loi

Recommandation 6 : 

  • Reconnaitre les résultats des rapports d’évaluation psychosociale et médicale effectués par dans le cadre de démarches auprès d’autres ministères et organismes (provinciaux ou fédéraux), dont celles liées à la mise en place de régimes de protection (incluant la tutelle modulée) ou à l’accès au Crédit d’impôt pour les personnes handicapées (CIPH). 
  • Signer des ententes de partage d’information avec ces ministères et organismes afin de simplifier les démarches administratives des personnes concernées.

Discuté, mais pas « adopté », puisqu’il s’agit de pratiques et non d’un amendement à la Loi. 

Préparation et intégration en emploi 

Extrêmement négatif. Des changements doivent impérativement être faits. 

Recommandation 7 : remplacer « il présente des contraintes sévères de santé qui nuisent à la réalisation d’une activité de préparation à l’emploi, d’insertion ou de maintien en emploi » dans l’article 25 (53.1), par « il présente des contraintes sévères de santé qui nuisent à son maintien en emploi à temps plein ».

Inclus dans la Loi. L’article 25 a été changé. 

Perte de reconnaissance des contraintes temporaires pour les parents d’enfants handicapés, les personnes proches aidantes et les personnes en maison d’hébergement 

Extrêmement négatif. Des changements doivent impérativement être faits. 

Recommandation 8 : réintégrer les alinéas 3, 5, 7 et 9 de l’actuel article 53 de la Loi sur l’aide aux personnes et aux familles dans l’article 25 du projet de loi, modifiant l’article 53. 

En partie. Les alinéas n’ont pas été intégrés dans la Loi, mais la ministre a confirmé que certaines des personnes seraient intégrées dans le Règlement. 

Recommandation 9 : donner accès au Programme de revenu de base aux : 

  • Parents ou personnes significatives d’enfants ou d’adultes ayant des besoins particulièrement élevés ou n’ayant pas accès à des services et ayant dû quitter leur emploi pour s’occuper d’eux (Gouvernement du Québec, 2020; Ministère de la Santé et des Services sociaux, 2021a, 2021b); 
  • Personnes ayant des contraintes sévères à l’emploi vivant une situation d’urgence (par exemple, violence conjugale), mais n’ayant pas cumulé les mois nécessaires pour l’admission au PRB. Cette mesure vise à favoriser l’indépendance financière des personnes vivant une situation d’urgence en leur donnant les moyens d’en sortir.

Discuté, mais non retenu.  

 

La SQDI ne s’attendait pas à gagner ce point.  Par contre, la SQDI va continuer à militer en faveur de cette position. 

Plan d’intervention individualisé et réseaux régionaux d’accompagnement 

Positif, avec certaines réserves en lien avec le fonctionnement en silos des ministères et organismes et avec la formation des agents du ministère. 

Recommandation 10 : miser sur la complémentarité avec les ministères et organismes du gouvernement du Québec dans l’élaboration de plans d’intervention individualisés. 

Recommandation 11 : ne pas restreindre l’accès à des services ou programmes par le biais de la mise en place de plans d’intervention individualisés. 

Recommandation 12 : s’assurer de former adéquatement les agents responsables de la création, de la mise en place et du suivi des plans d’intervention individualisés. 

Recommandation 13 : mobiliser d’importants efforts afin d’accompagner les travailleuses et travailleurs du ministère dans le changement de culture organisationnelle engendré par le projet de loi. 

La SQDI ne demandait pas de modifications à la Loi. 

 

Par contre, toutes ces questions ont été discutées et la ministre a pris des engagements. L’impact est donc positif. 

Généralisation du Programme objectif emploi à tous les prestataires 

Positif. Il faudra toutefois adapter le Programme objectif emploi aux besoins des personnes plus éloignées du marché du travail. 

Recommandation 14 : s’assurer que le Programme objectif emploi tiendra compte des besoins spécifiques des personnes plus éloignées de l’emploi, dont certaines personnes ayant une déficience intellectuelle. 

Recommandation 15 : étendre la limite de durée de participation au Programme objectif emploi et ne pas imposer de limite de participation afin de favoriser les essais d’intégration au marché du travail pour les personnes plus éloignées de l’emploi. 

La SQDI ne demandait pas de modifications à la Loi. 

 

Par contre, toutes ces questions ont été discutées et la ministre a pris des engagements. L’impact est donc positif. 

Ouverture aux professionnels de la santé pour l’établissement des contraintes de santé 

Positif, avec des réserves. 

Recommandation 16 : s’inspirer des travaux réalisés par le Curateur public pour l’ouverture des évaluations psychosociales et médicales à d’autres professionnels de la santé. 

Ces éléments ont été discutés et le ministère va y réfléchir. 

Individualisation partielle des prestations 

Insuffisant. 

Recommandation 17 : étendre les modalités sur l’individualisation des prestations du Programme de revenu de base au nouveau Programme d’aide financière de dernier recours. 

Discuté, mais non retenu. 

Révision du concept de vie maritale afin de favoriser la cohabitation des personnes en situation de handicap 

Positif, mais devrait aller plus loin. 

Recommandation 18 : supprimer la notion de vie maritale pour tous les prestataires des programmes d’aide financière de dernier recours (incluant le Programme de revenu de base) afin de favoriser la cohabitation, l’entraide et le soutien mutuel. 

Discuté, mais non retenu. 

Révision des dettes et des modalités de recouvrement 

Plutôt positif, mais avec des réserves. 

Recommandation 19 : annuler toutes les dettes aux Programmes d’aide sociale et de solidarité sociale. 

Recommandation 20 : clarifier la façon dont sont définies et traitées les « fausses déclarations ». 

Discuté, mais non retenu. 

 

Des précisions ont été apportées. 

Projets pilotes visant « à étudier, à expérimenter ou à innover en cette matière afin d’améliorer le fonctionnement, l’efficacité et l’efficience de ces programmes » 

Difficile à évaluer, mais semble positif, avec des réserves. 

Recommandation 21 : clarifier ce que sont les projets pilotes et mieux encadrer les modalités de signature d’ententes avec des tierces parties. 

Discuté. La ministre a fourni certaines explications et garanties en lien avec les ententes avec des organisations communautaires. 

 

Pour en savoir plus

Si vous avez des questions en lien avec la mise à jour de la Loi, vous pouvez contacter Samuel Ragot au [email protected].