Travail et services sociaux professionnels

Le système de soutien à l’emploi et aux services socioprofessionnels pour les personnes en situation de handicap au Québec est complexe. Bien que plusieurs acteurs soient censés collaborer, ils travaillent souvent de manière séparée. Il est donc essentiel de repenser cette approche pour une meilleure coordination.

un homme ayant une DI travaille dans une épicerie

Des rapports gouvernementaux qui soulignent les problèmes

Malgré des investissements dans l’employabilité des personnes en situation de handicap, les résultats restent insuffisants selon plusieurs instances gouvernementales. En 2020, le Vérificateur général du Québec a révélé que les services offerts ne sont pas adaptés et ne permettent pas aux jeunes adultes en situation de handicap d’accéder à l’emploi (Vérificateur général du Québec, 2020). En 2021, l’Office des personnes handicapées du Québec (OPHQ) a aussi constaté  que ces services étaient insuffisants et ne répondaient pas aux besoins des personnes concernées.


Certaines pratiques
injustes persistent encore

Ces dernières années, des situations inquiétantes concernant l’emploi des personnes ayant une déficience intellectuelle ont été portées à l’attention du public.

Même si cela a permis à plus de gens de prendre conscience du problème, les stages non rémunérés et les plateaux de travail gratuits sont encore fréquents au Québec.

Ces pratiques sont encore largement financées par le ministère de la Santé et des Services Sociaux (Institut de recherche et de développement sur l’inclusion et la société, 2021).


Emploi, solidarité sociale et revenu de base : vers un changement positif

L’accès à l’emploi pour les personnes ayant une déficience intellectuelle est étroitement lié aux programmes d’aide sociale au Canada. Au Québec, le Programme de solidarité sociale impose une limite stricte : les personnes qui y sont admissibles ne peuvent conserver que 200 $ de revenus d’emploi par mois, puis 25 % de chaque dollar additionnel. Bien qu’elles puissent garder leur carnet de réclamation pendant 4 ans en travaillant, plusieurs hésitent encore à occuper un emploi, de peur de perdre les avantages liés à ce programme.

Cette situation a récemment évolué avec l’entrée en vigueur du nouveau Programme de revenu de base, le 1er janvier 2023. Ce programme permet aux personnes admissibles de travailler et de gagner jusqu’à environ 15 500 $ par an (en 2025) sans que leur prestation soit réduite. Ce changement permet une rémunération adéquate aux personnes ayant une déficience intellectuelle et recevant des prestations du Programme de revenu de base. Il ouvre aussi la porte à une réflexion plus large sur les services d’employabilité pour les rendre plus inclusifs.


Cependant, ce programme n’est pas accessible à toutes les personnes ayant une déficience intellectuelle. Il est donc essentiel de développer des services adaptés pour soutenir ces personnes avant qu’elles ne se retrouvent obligées de demander une aide financière de dernier recours.

Pour répondre à ce défi, la SQDI propose que le MESS prenne en charge l’ensemble des services en employabilité en assurant leur gestion et leur harmonisation entre les différents ministères. Cette approche permettrait de créer des programmes plus cohérents et efficaces, plutôt que de disperser les responsabilités entre plusieurs instances aux mandats qui se chevauchent.

Le réseau de la santé et des services sociaux continuerait d’intervenir en soutien, en se concentrant sur le développement des aptitudes sociales, qui sont essentielles pour favoriser l’intégration en emploi. Cette proposition ne toucherait toutefois pas les services occupationnels destinés aux adultes de 21 ans et plus.


Demandes

Le gouvernement du Québec devrait :

  • transférer les services en employabilité sous la responsabilité du ministère de l’Emploi et de la Solidarité sociale (MESS). Cela permettrait d’assurer une cohérence des politiques publiques et de favoriser un véritable accès à l’emploi, plutôt que de limiter ces services à des activités occupationnelles; 
  • confier au ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS) un rôle de soutien, afin d’accompagner le MESS dans l’intégration en emploi des personnes ayant une déficience intellectuelle. Ce soutien serait particulièrement important pour le développement des compétences sociales et des aptitudes professionnelles nécessaires à leur maintien en emploi.
  • garantir des services efficaces et bien encadrés, en mettant en place des objectifs clairs, des standards de qualité élevés et un suivi rigoureux, afin d’assurer leur bon fonctionnement et leur impact positif.
Danny Beaulac, un homme ayant une déficience intellectuelle sur les lieux de son travail

Des groupes communautaires ont mis en place des projets pour encourager l’embauche inclusive, souvent sans aide financière ou logistique du gouvernement du Québec. Pour que cette façon de faire devienne une vraie priorité, il est important de soutenir ces projets et de les rendre durables.s.

Dans certaines provinces, comme le Nouveau-Brunswick, on mise d’abord sur l’embauche inclusive pour aider les personnes à trouver un emploi, plutôt que de commencer par des stages ou des plateaux de travail. Le Québec pourrait s’inspirer de ces bons exemples pour faciliter l’accès à l’emploi des personnes en situation de handicap.


Qu’est-ce que l’embauche inclusive?

Selon l’Institut de recherche et de développement sur l’inclusion et la société :

  • « L’emploi inclusif fait référence aux formes d’emploi dans lesquelles les personnes en situation de handicap travaillent aux côtés de leurs pairs non handicapés sur le marché du travail compétitif (avec accès aux mêmes avantages sociaux et opportunités de carrière).
  •  L’emploi inclusif garantit que personne n’est victime de ségrégation ou exclu des possibilités d’emploi de qualité en raison de son handicap.
  • L’emploi inclusif garantit que les personnes en situation de handicap ont accès au même travail, aux mêmes aménagements et aux mêmes avantages que leurs homologues non handicapés, avec les outils et accommodements dont elles ont besoin pour réussir.
  • L’embauche inclusive permet de donner aux personnes un travail payé, et dans lequel elles peuvent se réaliser et être partie prenante de la société. » (Institut de recherche et de développement sur l’inclusion et la société, 2021)

 Il y a un manque   de  programmes  de  mentorat,  d’accompagnement  et  de  coaching  en entreprise pour les personnes en situation de handicap. Ces outils sont pourtant essentiels pour favoriser  leur intégration durable en milieu de travail.

Il est nécessaire de développer ces types de programmes, afin d’encourager  une inclusion active et de permettre une formation par les pairs, qui facilite l’apprentissage et l’adaptation aux exigences du milieu de travail.


Demandes

Le gouvernement du Québec devrait :

  • augmenter le financement des ’initiatives d’embauche inclusive, en s’inspirant notamment des bonnes pratiques mises en place au  Nouveau-Brunswick (Government of New Brunswick, 2021);
  • soutenir davantage les organismes communautaires, en augmentant leur financement pour qu’ils puissent continuer à offrir  des services innovants et adaptés;
  • créer un programme de mentorat, d’accompagnement et de coaching en entreprise, en collaboration avec  les organisations représentant les personnes en situation de handicap,  afin de faciliter leur intégration et leur maintien en emploi;
  • rendre les programmes de formation adaptés plus accessibles, dans les centres d’éducation des adultes, en les ajustant aux rythmes et aux besoins d’apprentissage des personnes ayant une déficience intellectuelle, pour les préparer à des métiers semi-spécialisés
une jeune femme en fauteuil roulant dans son milieu de travail

Les personnes ayant une déficience intellectuelle ne bénéficient pas toujours des mêmes droits et protections que les autres travailleurs (Institut de recherche et de développement sur l’inclusion et la société, 2021). Par exemple, certains programmes d’employabilité profitent de leur travail sans les rémunérer, en utilisant leur travail pour financer d’autres activités ou en vendant les produits qu’ils créent (par l’entremise  de  subventions  de  fonctionnement  payant  d’autres activités ou en générant une plus-value par la vente des fruits du travail, par exemple).

De plus, dans certains cas, ce sont les personnes elles-mêmes qui doivent payer pour se rendre à des activités socioprofessionnelles, sans être payées pour leur travail. Ces travailleurs doivent avoir les mêmes droits et conditions que tous les autres employés.

La Convention relative aux droits des personnes handicapées,  que le Québec et le Canada ont ratifiée, interdit le travail forcé et l’exploitation des personnes en situation de handicap (Organisation des Nations Unies, 2006, art. 27) :

a)   Interdire la discrimination fondée sur le handicap dans tout ce qui a trait à l’emploi sous toutes ses formes, notamment les conditions de recrutement, d’embauche et d’emploi, le maintien dans l’emploi, l’avancement et les conditions de sécurité et d’hygiène au travail;

b)   Protéger le droit des personnes en situation de handicap à bénéficier, sur la base de l’égalité avec les autres, de conditions de travail justes et favorables, y compris l’égalité des chances et l’égalité de rémunération à travail égal, la sécurité et l’hygiène sur les lieux de travail, la protection contre le harcèlement et des procédures de règlement des griefs.

Il  est   donc  important   de  renforcer  le  statut  des  travailleurs et  travailleuses   qui  ont  une déficience intellectuelle, surtout celles et ceux qui participent à des programmes où leur travail est utilisé sans compensation.

une jeune femme nettoie une table

Dans le respect de la Convention relative aux droits des personnes handicapées, la SQDI demande au gouvernement  du  Québec  de  suivre  les  recommandations  du  rapport  de  l’Institut  de  recherche  et  de développement sur l’inclusion et la société concernant les plateaux et ateliers de travail (Institut de recherche et de développement sur l’inclusion et la société, 2021)

Il serait souhaitable de faire évoluer ces programmes vers des initiatives d’embauche inclusive d’ici 2032, et de limiter ce type de programmes à des activités de formation temporaires.


Demandes

Le gouvernement du Québec devrait :

  • s’engager clairement à ne plus financer  les programmes socioprofessionnels qui ne favorisent pas l’inclusion (comme les stages et plateaux de travail), sauf s’ils sont utilisés pour la formation et la transition vers un emploi inclusif. Ces programmes doivent être limités dans le temps et répondre uniquement à des besoins de formation précis, comme c’est le cas en Colombie-Britannique;
  • mettre en place une transition progressive pour ces réformes, afin de ne pas fragiliser les organisations concernées, notamment en ce qui concerne leur financement;
  • adopter des politiques qui encouragent  la pleine participation sociale et l’inclusion économique des personnes en situation de handicap. Cela passe par la création de nouveaux programmes d’assistance sociale et d’aide financière réellement adaptés à leurs besoins, en dehors des programmes actuels d’aide financière de dernier recours.
un homme ayant une déficience intelletuelle travaille dans un potager

Demandes

Le gouvernement du Québec devrait offrir :

  • un accompagnement personnalisé qui prend en compte tous les besoins de la personne; 
  • des services de qualité et accessibles à tous, comme des activités  sociales, artistiques, citoyennes et sportives, pour les personnes qui ne peuvent pas travailler .

Personnes responsables

Samuel Ragot

Samuel Ragot

Analyste sénior aux politiques publiques et conseiller à la défense des droits

Olma Soulaiman

Olma Soulaiman

Coordonnatrice de l’initiative en emploi Programme Prêts, disponibles et capables