Santé et services sociaux

Le réseau de la santé et des services sociaux a beaucoup changé ces dernières années. L’arrivée des épisodes de services a brisé la continuité des services, et la pandémie de COVID-19 a laissé beaucoup de personnes et de familles sans soutien du jour au lendemain.

Le financement des services ne suit pas la croissance des besoins. De plus en plus de personnes et de familles ont besoin de soutien, mais le réseau semble investir surtout dans l’administration. Il faut changer cette approche et rebâtir des services publics solides.

un garçon en fauteuil électrique sourit et une intervenante lui tient la main

Depuis dix ans, les budgets pour les services en déficience intellectuelle n’ont presque pas augmenté. Pourtant, il y a de plus en plus de personnes qui ont besoin de services en déficience intellectuelle et en trouble du spectre de l’autisme. Durant cette période, les services offerts dans le réseau public ont diminué, alors que les dépenses pour l’administration ont augmenté. Le réseau essaie encore de se réorganiser depuis les grands changements de 2015.

Les besoins sont pourtant très grands. Beaucoup de familles n’ont pas accès aux services quand elles en ont le plus besoin, par exemple quand leur enfant est petit ou après l’âge de 21 ans.

À cause du manque de services et du peu de financement, de plus en plus de familles doivent payer de leur poche pour aller chercher de l’aide dans le privé. Cela met en danger les principes d’égalité, de gratuité et d’accessibilité des services publics.

Il est important de se rappeler qu’une population qui a accès à de bons services de santé et de services sociaux  (Dutton  et  al.,  2018) est en meilleure santé, est plus autonome, et coûte moins cher en soins de santé à long terme (Surgeon General of the United States of America, 2011).


Demandes

Le gouvernement du Québec devrait :

  • augmenter de façon importante les budgets et les services en déficience intellectuelle.
  • s’assurer que ces services soient donnés par le réseau public, qu’ils soient universels, gratuits et de qualité.
Santé et services sociaux : une préposée aide un patient

Avoir des services organisés et continus en déficience intellectuelle est essentiel pour que les personnes et leurs familles reçoivent l’aide dont elles ont besoin, que ce soit régulièrement ou à certains moments de leur vie.

Malheureusement, pour réduire les listes d’attente et à cause d’une vision axée sur « guérir », le réseau a mis en place des « épisodes de services ». Cela veut dire que les services sont donnés pour une courte période, en visant à changer un aspect précis du fonctionnement de la personne. Après, la personne doit souvent retourner sur une liste d’attente ou son dossier est fermé.

Ce manque de stabilité dans le suivi peut créer des problèmes importants, comme des troubles du comportement, et un fort sentiment d’abandon pour les personnes et leurs familles.

La déficience intellectuelle est une condition permanente qui demande un suivi constant, même si l’intensité du soutien peut varier avec le temps. Les épisodes de services ne répondent donc pas aux vrais besoins des personnes et des familles.

Il est urgent de revoir l’organisation des services en déficience intellectuelle. Le dernier cadre de référence du ministère de la Santé et des Services sociaux ne règle malheureusement pas ce problème.


Demandes

Le gouvernement du Québec devrait améliorer les services en déficience intellectuelle pour :

  • assurer un suivi continu des personnes tout au long de leur vie
  • intervenir plus tôt pour soutenir les personnes et les familles, au lieu d’agir seulement en situation de crise
  • permettre aux intervenants et intervenantes de jouer un vrai rôle de soutien et d’accompagnement, et non seulement de gérer des listes d’attente ou des épisodes de services
  • éviter de fermer les dossiers ou de les mettre en veille quand une personne semble aller bien, afin de garder l’accès aux services ouvert;
  • faire en sorte que chaque personne soit évaluée une fois par an et ait un plan d’intervention adapté à ses vrais besoins, et pas seulement basé sur les besoins du système

Les membres de la famille d’une personne ayant une déficience intellectuelle deviennent souvent des personnes proches aidantes pour toute leur vie. Souvent, un parent doit quitter son emploi parce qu’il n’y a pas assez de services de soutien ou d’aide à l’emploi adaptés. Il est donc essentiel de mieux soutenir les personnes proches aidantes et de protéger leur santé physique, mentale et leur sécurité financière.

En 2020, le gouvernement du Québec a adopté une loi pour reconnaître et soutenir les personnes proches aidantes. C’était un bon début, mais ce n’est pas suffisant.

La loi ne parle pas de la pauvreté des proches aidants, n’impose pas d’obligations claires au gouvernement, ne tient pas compte des différentes réalités des proches aidants selon leur identité, et ne leur donne pas un vrai statut légal. De plus, elle s’applique seulement au réseau de la santé et des services sociaux, ce qui limite beaucoup son effet.

Pour la SQDI, il est important que la loi reconnaisse vraiment la réalité et la diversité des besoins des personnes proches aidantes au Québec.


Demandes

Le gouvernement du Québec devrait mettre à jour les lois, politiques et plans d’action pour mieux soutenir les personnes proches aidantes en :

  • leur donnant un statut légal clair et bien défini
  • garantissant des services et des droits sociaux et économiques pour les proches aidants;
  • reconnaissant l’importance de lutter contre la pauvreté des proches aidants
  • adoptant une approche différenciée selon les sexes et intersectionnelle dans l’élaboration des politiques et des plans d’action
  • élargissant la portée de la Loi et des politiques à tous les ministères et organismes du gouvernement du Québec

Il est aussi important de revoir le Programme de soutien aux familles pour que les services, les montants offerts et les critères d’admissibilité correspondent aux vrais besoins des familles.

Le réseau de la santé et des services sociaux est marqué par de grandes iniquités d’accès aux services, ainsi que par des manquements aux obligations du réseau face aux personnes. Dans ce contexte, il est important que des mécanismes de recours efficaces et efficaces soient offerts aux personnes.

Malheureusement, dans les dernières années, le rôle des commissaires aux plaintes et à la qualité des services est de plus en plus remis en question. Leur indépendance est contestée par de nombreuses personnes et familles qui voient souvent les commissaires prendre des décisions favorables au réseau alors que les situations sont problématiques. De plus, les personnes et familles craignent souvent les répercussions négatives que pourrait générer le fait de porter plainte. Porter plainte contre une ressource d’hébergement ou les services en déficience intellectuelle, par exemple, peut exposer la personne à des représailles directes ou indirectes. Cette peur décourage souvent les familles.

Bien que la Loi visant à renforcer le régime d’examen des plaintes du réseau de la santé et des services sociaux notamment pour les usagers qui reçoivent des services en établissements privés (PL52), adoptée en 2020, ait élargi la portée du régime de plaintes du réseau, la situation reste problématique et les mécanismes de règlement des différends insuffisants.

Pour la SQDI, il faut revoir le fonctionnement même du régime de plaintes dans le réseau de la santé et des services sociaux tout en donnant plus de ressources, d’indépendance et d’importance aux comités des usagers.  Les  comités  des  usagers  sont  en  effet  très  souvent  la  seule  ressource  dans  le  réseau,  à  part  les organismes  communautaires,  à  pouvoir  appuyer  les  personnes  ayant  des  inquiétudes  ou  des  plaintes  à formuler. Il est donc important que les comités des usagers bénéficient de plus de ressources et aient une indépendance formelle.


Demandes

Le ministère de la Santé et des Services sociaux devrait revoir en profondeur le système d’examen des plaintes dans le réseau de la santé et des services sociaux, en particulier pour :

  • garantir l’indépendance des Commissaires aux plaintes et assurer la qualité des services
  • s’assurer que les mécanismes d’examen des plaintes soient justes, respectueux des droits et indépendants des directives des établissements
  • permettre les plaintes collectives lorsque la situation concerne plusieurs personnes
  • créer un poste de commissaire national aux plaintes pour les personnes ayant une déficience physique, intellectuelle ou un trouble du spectre de l’autisme

Il est aussi important de :

  • donner davantage de ressources aux comités des usagers pour qu’ils aient plus d’indépendance;
  • faciliter le processus de plainte pour les travailleurs du réseau public qui connaissent des cas de maltraitance;
  • promouvoir et appliquer la Loi contre la maltraitance des aînés et des personnes vulnérables, en l’adaptant aux personnes ayant une déficience intellectuelle.
Réseau de la santé et des services sociaux : un stéthoscope et un stylo sur le dossier d'un patient

Le réseau de la santé et des services sociaux est une machine complexe et pas très transparente. Les données disponibles sont limitées et ne permettent pas de savoir clairement quels services sont donnés ni à quelles personnes.

Depuis longtemps, il est difficile d’obtenir des données à jour et fiables, mais la situation s’est aggravée avec les récents changements dans le réseau et l’utilisation d’outils de suivi imprécis. Il est donc essentiel d’améliorer la reddition de comptes et de rendre le réseau plus transparent.

De nombreux cas impliquant des personnes qui dénoncent des problèmes dans le réseau de la santé et des services sociaux (lanceurs d’alerte) ont été rapportés dans les dernières années. Ces personnes dénonçaient des situations graves, comme de la maltraitance ou des coupures de services. Pourtant, une culture du silence persiste dans le réseau. Il est donc essentiel de mieux protéger les lanceurs d’alerte pour encourager la dénonciation et améliorer les services.

Demandes

Le ministère de la Santé et des Services sociaux devrait :

  • rendre le réseau plus transparent en publiant des informations claires sur l’utilisation de l’argent, du matériel et du personnel
  • mettre l’accent sur la qualité des services offerts, plutôt que seulement sur la quantité (reddition de comptes)
  • mieux protéger les personnes qui dénoncent des problèmes dans le réseau de la santé et des services sociaux

Personne responsable

Jean-François Rancourt

Jean-François Rancourt

Analyste aux politiques publiques et conseiller à la défense des droits