(Lettre ouverte) Journée nationale des personnes aînées
01 Octobre 2024
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En cette Journée nationale des aînés, mettons en lumière une population souvent oubliée : les personnes ayant une déficience intellectuelle vieillissantes. Il y a quelques décennies encore, l’espérance de vie des personnes ayant une déficience intellectuelle était bien plus courte que celle de la population générale. Aujourd’hui, grâce aux progrès de la médecine et aux services sociaux, elle a considérablement augmenté, ce qui suscite de nouveaux enjeux pour ces personnes, leurs proches et les services gouvernementaux.
Le vieillissement en parallèle
Si les personnes ayant une déficience intellectuelle ont une espérance de vie proche de celle du reste de la population, leur vieillissement se fait toutefois plus rapidement, occasionnant des enjeux liés à l’accès aux services et à la proche aidance.
Ces enjeux sont rendus encore plus critiques à cause du vieillissement en parallèle des parents et de leur enfant ayant une déficience intellectuelle. Par exemple, dans une situation où les parents vieillissent et où leur enfant vieillit de façon prématurée, l’enjeu de la proche aidance devient rapidement critique. En effet, avoir un enfant qui a une déficience intellectuelle signifie souvent devenir proche aidant à vie pour les parents, même une fois leur enfant devenu adulte. À mesure que ces parents vieillissent, il devient de plus en plus difficile d’offrir le soutien nécessaire à leur enfant adulte, dont les besoins deviennent plus complexes. C’est parce qu’eux aussi, sont arrivés à un âge où ils ont besoin de soutien.
Rencontré dans le cadre de la campagne en habitation J’ai ma place ! de la Société québécoise de la déficience intellectuelle (SQDI), Roger, père de Célia, une femme ayant une déficience intellectuelle, souligne :
« Si on n’a pas de répit bientôt, on ne sera pas capables de tenir, on vieillit quand même ! On est sur le bord de 70. Je ne sais pas si dans 5 ans on sera toujours capables de s’occuper d’elle, mais ma fille aura toujours besoin du même soutien. »
Par ailleurs, dans certains cas, des personnes ayant une déficience intellectuelle doivent s’occuper de leurs parents vieillissants, créant une interdépendance complexe. Ce renversement des rôles est souvent difficile à gérer puisque les personnes ayant une déficience intellectuelle doivent alors s’occuper de leurs parents, tout étant confrontées à leurs propres besoins, et bien souvent, à la peur de perdre leurs parents.
Le rôle de la fratrie
Le vieillissement en parallèle affecte également la fratrie. À mesure que les parents vieillissent, la responsabilité de la proche aidance est souvent transmise aux frères et sœurs. Cela peut bouleverser la vie familiale et professionnelle de la fratrie et générer un stress émotionnel important pour tout le monde.
Sylvie, mère de Chloé, une femme ayant une déficience intellectuelle, exprime cette inquiétude :
« On se disait qu’on était des parents qui ne peuvent pas se permettre de vieillir. […] On ne voulait pas que ce soit son frère qui se retrouve à gérer sa sœur s’il nous arrive quelque chose. »
Le manque de milieux de vie
Un obstacle de taille afin de favoriser le vieillissement digne est le manque de milieux de vie sains, stimulants et sécuritaires pour les personnes ayant une déficience intellectuelle. Pourtant, nous estimons que des milliers de personnes auront besoin d’un nouveau milieu de vie dans les prochaines années. Cette pénurie entraîne déjà des conséquences graves, comme des séjours prolongés à l’hôpital ou le placement prématuré en CHSLD.
En fait, planifier l’avenir est carrément devenu un défi insurmontable pour de nombreuses familles, qui se sentent démunies face à ce manque d’options.
L’urgence d’agir
Il est urgent que les élus et le gouvernement du Québec dans son ensemble se mobilisent pour mieux répondre à ces besoins. Des milieux de vie adéquats, des services de répit pour les familles, une offre de soutien à domicile renforcée, et une prise en charge globale et humaine des personnes ayant une déficience intellectuelle et de leur famille sont essentiels pour leur offrir une vieillesse digne et sereine. Ces enjeux ainsi qu’un ensemble de solutions ont tous été identifiés au sein du Projet ReVie porté par notre organisation et ses partenaires. Il appartient maintenant au gouvernement d’agir.
Le vieillissement des personnes ayant une déficience intellectuelle ne peut plus être ignoré. Il s’agit d’un défi collectif qui nécessite une réponse forte et coordonnée. En cette Journée nationale des aînés, rappelons-nous que nous devons veiller à ce que chaque personne, quel que soit son âge ou sa condition, puisse vieillir dans la dignité et la sécurité. Il est temps de repenser le vieillissement de manière plus inclusive.