(Lettre ouverte) Itinérance et déficience intellectuelle au Québec, il y a péril dans la demeure
12 Septembre 2024
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Début septembre est marqué par la rentrée parlementaire, mais aussi par le retour des questions sociales dans l’espace public. Parmi celles-ci, l’itinérance reste une problématique omniprésente qui s’étend dans de nombreuses villes au Québec.
Pourtant, le gouvernement ne donne que peu d’attention à l’itinérance, et s’intéresse encore moins aux personnes ayant une déficience intellectuelle, malgré le fait que de plus en plus d’entre elles se retrouvent en situation de précarité résidentielle ou carrément dans la rue. Elles y seraient d’ailleurs surreprésentées selon certaines études. La tirette d’alarme a été sonnée il y a longtemps par de nombreuses organisations, pourtant la situation semble empirer. Il est plus que temps que les politiques changent et que le gouvernement agisse au plus vite en matière d’habitation et de soutien pour les personnes ayant une déficience intellectuelle.
Des parcours variés vers l’itinérance
Plusieurs trajectoires peuvent mener à l’itinérance : précarité financière et pauvreté, faible niveau d’instruction, ruptures familiales, violence domestique, manque d’accès à des services de santé et de soutien appropriés, etc. Dans le cas des personnes ayant une déficience intellectuelle, à ces facteurs peuvent s’additionner le manque de milieux de vie adaptés à leurs besoins, de services de santé et de services sociaux appropriés, ainsi que l’isolement social et la stigmatisation. Des recherches indiquent que ces personnes sont également plus à risque d’être la cible d’actes criminels (agressions, violences, maltraitance), et encore plus quand la personne est une femme. Ces difficultés peuvent aussi être exacerbées par des difficultés à comprendre des informations complexes, ou encore par des déficits de communication, compliquant la navigation dans les systèmes et services gouvernementaux.
Yan-Loup, un des porte-parole de la campagne de mobilisation en habitation J’ai ma place!, se confiait en expliquant : « Si on vit dans un logement cher et insalubre et que le propriétaire ne fait rien, c’est compliqué pour moi d’ouvrir un dossier au tribunal administratif du logement… Et le propriétaire me dit “Tu peux rien y faire, tu sais pas contacter le tribunal et tu vas perdre!” Cette lourdeur administrative ça encourage les abus, ça nous aide pas à nous en sortir. »
Mis ensemble, ces facteurs font en sorte que certaines personnes ayant moins de soutien peuvent se retrouver en situation d’itinérance. Malheureusement, une fois en situation d’itinérance, ces personnes font souvent face à de nouveaux défis : détresse psychologique, violence, consommation, criminalité de subsistance, etc. Ces situations font également en sorte de faire augmenter les risques de comportements jugés problématiques, rendant ainsi plus difficile la « réadaptation » et le fait de trouver un milieu de vie adéquat permettant de sortir de la rue.
Dans les faits, peu d’options existent pour les personnes ayant une déficience intellectuelle et présentant des troubles de comportement essayant de sortir de la rue. Dans un tel contexte, s’en sortir relève quasiment du miracle.
Prévenir l’itinérance en soutenant mieux les personnes
Cela fait des années que les milieux communautaires et académiques martèlent le même constat : l’itinérance n’est pas qu’une question de béton. S’il faut des logements, il faut aussi des services qui permettent de prévenir l’itinérance, ainsi que des services qui permettent la « réintégration » en société. Les personnes ayant une déficience intellectuelle ne font pas exception à cette règle.
Outre les actions nécessaires en lien avec la construction de logements sociaux et abordables, il importe donc que le gouvernement agisse et renforce les services sociaux dans la province. Par exemple, il est crucial de fournir aux personnes des milieux de vie sains, stimulants et sécuritaires, mais aussi de miser sur des services de soutien forts et sur la mise en place de plans d’intervention individualisés. Ces mesures doivent être prises à un stade précoce, idéalement avant que l’itinérance ne devienne une réalité, afin de pouvoir s’adapter aux besoins changeants tout au long de la vie de l’individu. Il est également plus que temps que le gouvernement augmente le montant des prestations d’assistance sociale afin de permettre aux personnes en bénéficiant de sortir de la pauvreté.
Se mobiliser pour le changement
Il est urgent que le Québec reconnaisse et aborde les besoins spécifiques des personnes ayant une déficience intellectuelle en lien avec l’itinérance. Le gouvernement devrait miser sur une approche intégrée qui inclut des politiques de logement abordable, des services sociaux accessibles et une coordination accrue entre les différents niveaux de gouvernement et les organisations communautaires. Dans les prochains mois, nous mènerons la campagne « J’ai ma place! » en lien avec l’habitation et la déficience intellectuelle. Nous proposerons des solutions au gouvernement du Québec. Nous espérons que le gouvernement répondra à l’appel. Nous ne demandons qu’à collaborer pour améliorer la situation.
S’il y a péril dans la demeure, il est encore temps d’agir pour éviter une crise plus grave. L’itinérance n’est pas une fatalité. Résoudre cette crise nécessitera toutefois une volonté politique, des ressources adéquates et une compréhension profonde des enjeux.
En tant que société, nous avons le devoir de protéger les personnes les plus à risque de se retrouver en situation de vulnérabilité. Ignorer cette réalité, c’est non seulement laisser tomber ceux qui en ont le plus besoin, mais aussi renoncer à notre responsabilité collective de bâtir un Québec inclusif et solidaire.