(Lettre d’opinion) « Les oubliés de la crise du logement »

28 Juin 2024
Chaque année, le 1er juillet marque le grand jour des déménagements au Québec. Pour beaucoup de personnes ayant une déficience intellectuelle, ce n’est pas un jour de changement, mais plutôt un rappel douloureux des obstacles qu’elles rencontrent pour accéder à un logement digne.
Bien que plusieurs d’entre elles aspirent à une vie autonome, les réalités de la pauvreté, de la discrimination et de l’exclusion sociale rendent cette aspiration très difficile à atteindre.
Selon les chiffres du ministère de la Santé et des Services sociaux, seulement 6% des personnes ayant une déficience intellectuelle vivent de manière autonome, c’est-à-dire seules ou avec des personnes de leur choix. Plus de 60% habitent avec leurs parents ou leur fratrie.
Pourtant, nous savons qu’un grand nombre de ces personnes aspirent à gagner plus d’autonomie. D’ailleurs, avec le soutien approprié, plusieurs d’entre elles ont le potentiel de le faire, advenant qu’on leur en laisse la chance. Néanmoins, outre le manque de services de soutien, des obstacles comme la pauvreté et la discrimination rendent cette aspiration difficile à réaliser.
Visiter la page de notre campagne de mobilisation en habitation « J’ai ma place ! »
Précarité financière et pauvreté
Les adultes ayant une déficience intellectuelle peuvent être particulièrement vulnérables à la précarité financière. Selon Inclusion Canada, 75% d’entre eux vivent en situation de pauvreté. De plus, «le revenu moyen des personnes d’âge actif ayant une déficience intellectuelle est inférieur à la moitié de celui des Canadiens sans déficience». On comprend dès lors qu’avec la hausse des prix des loyers, accéder à un logement devient un défi presque insurmontable.
Un autre problème majeur est l’exclusion du marché du travail. Les personnes en situation de handicap, et particulièrement celles ayant une déficience intellectuelle, sont souvent exclues des opportunités d’emploi. Sans un salaire digne, il est difficile pour elles de briser le cycle de la pauvreté.
Finalement, les programmes d’assistance sociale ne suffisent pas pour sortir de cette précarité. Pire encore, ils sont parfois considérés comme de véritables «trappes à pauvreté». D’ailleurs, le nouveau plan de lutte à la pauvreté présenté par le gouvernement du Québec est insuffisant pour les sortir de la pauvreté une bonne fois pour toutes.
Discrimination et exclusion sociale
Les personnes ayant une déficience intellectuelle font également souvent face à la discrimination et à l’exclusion sociale. Bien qu’il soit théoriquement illégal de refuser de louer un appartement en raison d’un handicap, la réalité est tout autre. Beaucoup de personnes se voient refuser la signature d’un bail simplement parce qu’elles ont une déficience intellectuelle.
La discrimination prend plusieurs formes. Parfois, les propriétaires invoquent des raisons fallacieuses pour refuser la location, comme la prétendue incapacité à gérer un logement ou le risque de troubles de voisinage. Ces préjugés injustifiés privent les personnes ayant une déficience intellectuelle de leur droit à un logement autonome et digne.
L’urgence d’agir
Il est urgent d’améliorer l’accès au logement des personnes ayant une déficience intellectuelle en réservant des logements sociaux pour les personnes en situation de handicap, en luttant contre la pauvreté, en améliorant l’accès au marché du travail et en combattant la discrimination. C’est d’ailleurs dans cette optique que la Société québécoise de la déficience intellectuelle a lancé sa campagne de mobilisation «J’ai ma place!», qui touche aux enjeux d’habitation en déficience intellectuelle. En marge du premier juillet, pensons aux personnes oubliées de la crise du logement et agissons pour leur offrir la place qu’elles méritent.
Propriétaires et gestionnaires immobiliers, faites preuve d’ouverture: permettre à une personne ayant une déficience intellectuelle de se loger est un acte de justice sociale et une reconnaissance de son droit fondamental à un logement digne et sécuritaire. Travaillons ensemble pour une société plus inclusive où chacun peut trouver sa place et vivre dignement.
Amélie Duranleau, Directrice générale, Société québécoise de la déficience intellectuelle